Face à nos émotions, comment être libre et responsable

Il faut faire un effort constant pour adopter une position intérieure, un point de vue, un regard qui nous confère une manière d’être et d’agir plus consciemment. Il faut faire l’effort de se tenir au centre de sa vie, à l’écoute de sa petite voix intérieure. Il faut prendre le temps de ressentir intuitivement nos émotions et nos expériences quotidiennes pour en saisir le sens véritable et faire des choix conscients.

Maintenir cette position intérieure, n’est pas toujours facile. Mais lorsqu’on y arrive, on tient dans ses mains, ou plutôt dans son cœur, pendant de brefs instants, la clef du bonheur.

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Nous avons tous fait l’expérience de pareils petits moments de bonheur authentique. Des moments où notre âme vibre à l’unisson des choses. La recherche active de ces moments privilégiés, c’est la recherche du vrai bonheur.

L’équipement humain de base

Quels sont les outils, les moyens dont nous disposons? En d’autres termes, comment sommes-nous constitués? D’abord nous constatons que nous avons un corps physique. Comment est-il en ce moment? Détendu, tendu, en santé, malade, fatigué, en forme?

Oui, nous avons un corps physique… auquel nous portons plus ou moins d’attentions selon les individus. Que pouvons-nous conclure de cette brève observation? De fait, nous avons un corps, mais nous ne sommes pas notre propre corps puisque nous pouvons en prendre conscience, l’observer, lui ordonner de bouger, en prendre soin ou pas, le nourrir bien ou mal.

Nous avons aussi des émotions. Nous éprouvons de la joie, de la peine, de la peur, de la colère. Cependant, même si parfois nos émotions nous envahissent complètement, nous ne sommes pas pour autant nos émotions. Nos émotions changent au gré des circonstances de la vie. Nos émotions nous indiquent l’état de satisfaction de nos besoins, à un moment donné. Elles nous sont donc très utiles. Les ignorer, les refouler entraîne, comme nous le savons, des troubles du comportement et même des maladies physiques. Nous pouvons en prendre conscience, les exprimer ou non, les utiliser ou non pour nous rapprocher de nos vrais besoins. Si nous ne sommes ni notre corps ni nos émotions … qui sommes-nous donc ?

Peut-être sommes-nous nos pensées? N’est-ce pas ce qui distingue l’homme des animaux? Au fait, est-ce notre capacité de penser qui nous distingue des animaux? La science n’en est pas si sûre aujourd’hui; mais quoi qu’il en soit, c’est vrai que nous pensons. Nous nous faisons des idées sur les gens et les choses, et nos conceptions intellectuelles conditionnent généralement elles aussi notre façon d’agir. Nos préjugés sont d’excellents exemples de conditionnements mentaux qui affectent, à notre insu, nos comportements.

Nos préjugés se construisent à partir d’une expérience limitée de la réalité sur laquelle on bâtit des généralisations. Pour mieux comprendre, prenons un exemple simple. Imaginez que vous divisez un aquarium en deux par une cloison de verre. D’un côté vous placez un brochet adulte et de l’autre de petits poissons qui sont sa nourriture préférée. Que va-t-il se passer quand le brochet aura faim? Il va se précipiter sur les petits poissons pour les dévorer. Mais la paroi de verre va chaque fois l’en empêcher. Il va se cogner le nez sur la vitre à plusieurs reprises, jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il ne peut pas les atteindre. Quand le brochet va renoncer à attraper sa proie enlevez la frontière de verre qui le sépare des petits poissons. Que va-t-il se passer? Le brochet est conditionné. Il va vivre à côté de ses proies naturelles et va se laisser mourir de faim plutôt que de faire une nouvelle tentative pour saisir sa nourriture.

Nos préjugés opèrent de la même façon. Ils nous empêchent de faire les expériences qui seraient, dans certaines circonstances, salutaires pour nous.

Plus jeunes, on est influençable et on adhère plus facilement aux préjugés de son milieu. Les expériences de la vie nous forcent généralement à remettre ces conceptions en question et à changer nos points de vue. Nos croyances elles aussi évoluent. Même s’il nous arrive de défendre nos idées avec acharnement nous ne sommes pas pour autant nos idées puisque nous pouvons en prendre conscience, les défendre ou les remettre en question.

Si ni nos pensées, ni nos émotions, ni notre corps physique ne peuvent être confondus avec notre moi véritable, que sommes-nous donc à la fin? Qu’est-ce donc que ce moi que nous expérimentons au-delà de notre corps, de nos émotions et de nos pensées?

C’est difficile à décrire concrètement, mais nous pouvons apprécier les qualités, les capacités, les facultés de ce moi qui vit comme dissocié quoique relié à nos pensées, nos émotions et notre corps physique.

Ce moi est capable de prendre conscience de l’expérience qui se déroule au plan physique, émotif et mental. Non seulement peut-il être conscient, mais il peut choisir d’agir à partir de la conscience qu’il a de son expérience.

Nous sommes donc tous des êtres capables de conscience et de volonté. Cela ne signifie pas que nous utilisons pleinement ces facultés, mais nous en avons tous la possibilité.

Nous sommes donc des êtres capables de conscience, de volonté. Cet être capable de conscience et de volonté c’est tout simplement l’esprit, notre véritable moi.

Voici une image pour saisir le rapport qui existe entre l’esprit d’une part, le corps physique, les émotions et les pensées ou le mental d’autre part. Visualisez un carrosse, un cheval, un cocher et dans le carrosse, un passager! Ici, le carrosse correspond au corps physique, le cheval aux émotions, le cocher au mental et le passager à notre esprit.

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L’apprentissage de la maîtrise de soi

 Au fait : qui du carrosse, du cheval, du cocher ou du passager, connaît le but du voyage? Que peut-il nous arriver si on laisse le cheval ou le cocher décider de la route à suivre, ou encore, si on tombe en admiration devant le carrosse et qu’on passe notre vie à le frotter pour qu’il brille? L’évidence nous saute aux yeux. C’est au passager de décider du but du voyage. Il nous faudra donc interroger notre esprit si l’on veut connaître le but de notre vie. Rappelons-nous, en passant, que l’esprit s’exprime par ce que nous appelons notre petite voix intérieure: nos intuitions.

Que cherche l’esprit? Comme tout ce qui vit, il cherche à développer ses capacités, ses talents, ses qualités. Il cherche à actualiser son potentiel, donc à devenir plus conscient… plus responsable… plus utile… pour ainsi prendre la place qui lui revient: celle de pilote de notre vie.

Comment va-t-il y arriver? Par l’expérience personnelle, pas autrement. Il va utiliser les instruments à sa disposition pour agir dans le monde et y tirer les leçons qui vont le faire mûrir. Naturellement, le corps vieillit. L’esprit quant à lui mûrit. Le but de notre recherche est donc de mûrir.

C’est donc au moyen du corps physique, du cerveau qui produit les pensées, du système nerveux qui véhicule les sensations et donne naissance aux émotions que l’esprit, le passager, peut développer son potentiel, ses talents d’être conscient, responsable et utile.

L’esprit éveillé et actif, alors que beaucoup sont endormis et paresseux, cet esprit va, au fil des expériences, acquérir des connaissances, des principes de vie et des habiletés qui vont éduquer sa personnalité et forger son caractère. L’esprit à le pouvoir non seulement de maîtriser son véhicule, mais de l’améliorer, d’augmenter son niveau de performance. S’il agit ainsi, il va non seulement prendre sa place dans le monde, mais découvrir le chemin du bonheur.

Qu’est-ce qui peut éveiller l’esprit? Qu’est-ce qui peut bien réveiller le passager endormi dans son carrosse. Hélas, la plupart du temps ce sont les mauvaises conditions de la route, quand ce n’est pas carrément un accident fâcheux. Oui, pour bien des gens actuellement c’est la souffrance qui les met en mouvement. Encore que certains ne se réveillent jamais, même aux prises avec les pires souffrances.

Comment peut-on en venir à accepter pareille souffrance? On peut, dans certaines circonstances, se couper à tel point de son expérience qu’on peut tolérer des conditions extrêmes. Pour évoluer, l’esprit doit demeurer en contact avec ce qu’il expérimente pour en tirer les leçons qui s’imposent. Une autre voie que celle de la souffrance s’offre également à lui. Il peut demeurer éveillé, écouter son intuition et se laisser guider par ses aspirations vers ce qui est vrai, utile et juste.

L’esprit endormi ou paresseux, lui, laisse plutôt la direction de ses affaires au cocher, au mental. Ce dernier ne recevant pas de directive de l’esprit va se tourner vers le cheval: les émotions. Il va se laisser guider par ses émotions, ses sentiments, ses «feelings» comme on dit en latin. Dans le répertoire de la langue française il y a un mot qui illustre bien le lien qui existe entre le mental et les sentiments. Ce mot c’est: «sentimental»… le senti du mental. Le cheval est enclin à aller brouter dans les champs qui bordent la route. Ce qu’il cherche, lui, c’est satisfaire ses instincts. Pour cela il ne se soucie guère de son attelage, du carrosse ou du passager. Ce faisant, il lui arrive de précipiter le carrosse dans le fossé… ce qui devrait suffire à réveiller le passager. Hélas, pas toujours!

Si on laisse nos émotions diriger notre vie et que l’on confond les désirs de notre personnalité avec nos besoins véritables on risque tôt ou tard de s’en mordre les doigts et de vivre des expériences fort désagréables. Ces expériences désagréables ne sont pas inutiles. Elles nous obligent à nous arrêter pour reconnaître nos erreurs et écouter en nous la petite voix qui peut nous indiquer la bonne direction. Mais une fois que le carrosse est dans le clos, calé jusqu’aux essieux, pour revenir sur la route ce n’est pas toujours facile. C’est tout à fait normal. Il faut encore faire l’effort de revenir sur la bonne voie.

Laissée à elle-même, notre personnalité, qui normalement doit être pour l’esprit un fidèle serviteur sur le chemin de son évolution, devient un véritable tyran. Les désirs de notre personnalité sont sans fin et, pour notre plus grand malheur, l’attachement aux feux artificiels de ces désirs risque de nous distraire. La personne qui reste lié intérieurement aux désirs de sa personnalité restera éternellement esclave, fut-elle riche et célèbre. Elle ne sera jamais heureuse.

La maîtrise de soi, la direction consciente de sa personnalité, est donc le premier pas sur le chemin du bonheur. L’esprit éveillé et sensible demeure attentif aux signaux que lui communique sa personnalité et il lui donne le soutien et les indications appropriées pour qu’elle maintienne une orientation juste face aux événements de la vie.

La vraie vie, ce n’est pas réussir tel ou tel projet, acquérir une réputation, se marier, élever des enfants, faire des études ou du bénévolat, s’impliquer socialement, devenir astronaute, politicien, médecin, aider les démunis, lutter contre l’injustice, faire des recherches pour l’avancement de la science, jouer au bingo, prendre sa retraite en Floride, travailler toute sa vie pour un salaire de misère, se chercher un compagnon ou une compagne de vie, tomber malade, perdre son emploi, perdre sa réputation, avoir un accident etc… Ça, c’est plutôt … «La petite vie».

La vraie vie n’est rien de tout cela et n’exclut rien de tout cela. La vraie vie se déroule au delà de ce qui nous arrive, au-delà des apparences. Nous vivons vrai- ment quand nous ressentons la joie d’apprendre, de mûrir, d’évoluer quelques soient les circonstances de notre vie. Cette joie naît tout simplement de la maîtrise de notre personnalité et du travail conscient pour apprendre de nos expériences.

On raconte que Carl Rogers, un éminent psychologue américain, avait une façon originale de saluer les gens qu’il rencontrait. Au lieu de leur demander «comment ça va?» il leur posait la question plus directe «qu’apprenez-vous ces temps-ci?»

Les comédies modernes exploitent beaucoup, pour nous faire rire, la vie absurde de personnages qui n’apprennent rien de la vie. Ceux-ci ne souffrent pas, n’aiment pas, et surtout n’évoluent pas. Ils ont perdu l’esprit, c’est le cas de le dire. Ils sont mus uniquement par les désirs égoïstes de leur personnalité qu’ils sont incapables de maîtriser et qui bousillent de toutes les façons possibles la communication avec leur entourage. Dans leur cas, le carrosse, le cocher et le cheval sont loin dans le clos et ils n’en sont pas du tout conscients. C’est le cas, chez-nous, des personnages de Claude Meunier l’auteur de la comédie. «La petite vie». Nous en rions pour ne pas en pleurer, car cette caricature, en partie, rejoint la réalité.

Au fait, qu’est-ce que la vie veut nous apprendre? Contrairement à l’école où on peut étudier par cœur les différentes matières et passer haut la main nos examens, dans la vraie vie les apprentissages doivent être assimilés pour que ça compte. Et l’apprentissage est assimilé quand il nous a transformés, quand la connaissance acquise a changé notre comportement.

Ce n’est pas en copiant les recettes des autres que nous progressons, mais en acquérant une conviction personnelle qui s’enracine dans la réflexion.

Réfléchir pour passer à l’action

Il y a une grande différence entre réfléchir et penser. Peu de personne réfléchissent vraiment. Par ailleurs nous pensons trop. Nos pensées sont la plupart du temps tournées vers nos préoccupations du moment. Elles ne font que ressasser nos inquiétudes, nos craintes, nos peurs. La réflexion est plus exigeante. Elle nous oblige à l’action.

Le mot réfléchir indique par lui-même de quoi il s’agit. Réfléchir demande d’acquérir les propriétés du miroir. Il faut que notre mental devienne un miroir pour notre esprit. Réfléchir c’est faire taire nos pensées pour écouter les messages qui nous viennent de l’esprit. Rappelons-nous que pour réfléchir le ciel, le lac doit être calme. On pense trop, on ne réfléchit pas assez.

Pour l’esprit, prendre le contrôle de son véhicule, c’est aussi ne plus se permettre de penser sans réfléchir. Ne plus se fier uniquement à ce que nous ressentons intuitivement. Encore faut-il que nous apprenions à distinguer nos intuitions de nos sentiments. Se faire confiance, voilà ce que nous devons apprendre car nous sommes tous équipés pour reconnaître ce qui est vrai.

Tiré d’une conférence donnée par Monsieur Gilles Charest, Ba.Ss., MBA

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